Marguerite Burnat-Provins: Citations

Il n’y a plus de ciel, plus de montagnes, je puis croire que le lac est sans fin.

Les cygnes qui flottent sur l’eau noire lissent leur plumage dans l’obscurité. La vague écourtée s’avance ; elle fauche la grève d’un mouvement courbe, avec un luisant de lame, un bruit perlé, et, passant sous les formes légères, elle les emporte, comme l’ombre emporte les songes.

Heures d’automne (1904) — Neuf heures

Le clair de lune, tout à coup s’avance dans le vieux jardin. Le cornouiller agite ses bras noirs et les rameaux tressés des glycines ont des enroulements de chevelures. C’est une pluie de diamants sur les buis des bordures et des millions de lueurs blanches se suspendent aux sapins, comme pour un noël.

Heures d’hiver (1920) — Minuit

Sous une voûte de carthame dégradée jusqu’au cadmium et zébrée d’or, le paysage s’est solidifié. L’aspect est plus résistant que celui d’un laque réflecteur de siècles : en un splendide panneau de métal, se détachent et s’épousent les terres de cuivre sombre et le cuivre pâle des toits, la coulée de platine des oliviers, l’or blanc des maisons éloignées et, dominante, une lune neuve, réargentée à vif, dans un immense halo dont la nuance semble tamisée par une émeraude de Birmanie.

Heures d’été (1937) — Sept heures

Sur un air de ballet que siffle une fauvette, deux pinsons dansent, n’ayant cure de l’effroi retiré sous l’écorce qui tombe en plaquettes brûlées.

Et le troglodyte, couleur de vieux bois, se glisse entre les rouvres. J’ai cru reconnaître un tarier, mais il était trop loin.

Parfois j’entends, tout près de moi, des rossignols au chant tari, qui n’ont plus qu’un gloussement rauque, mais c’est au fond de mon allée, dans ce coin de terreau et de broutilles desséchées, près de la palissade et du lierre qui a drapé complètement le banc de pierre, qu’habite mon compagnon très cher, le Rouge-gorge.

Il est sérieux. Son œil émouvant me considère, plein de choses qu’il me dira peut-être, car mon désir attend le jour où la limite sera franchie. Son cœur moins gros que le rose pendentif de la diélytra bat toujours vite. Que de tendresse en cette créature si petite.

Près du rouge-gorge (1937) — I

Je m’accoude à la balustrade au-dessus d’un sentier abandonné, plein d’oxalys et de véroniques, j’y vois des buissons de symphorines aux fruits blancs, en billes, des lys rouges, des cordes à lessive effilochées et traînantes, les piquets s’étant rompus, le bassin de pierre bleue où l’eau ne vient plus et la fuite du troglodyte dans la serre à demi effondrée. C’est un aspect de mon jardin.

Près du rouge-gorge (1937) — XIV

Il y a, livrés à eux-mêmes, des lauriers hauts et ronds, portés sur de fines jambes noires, de la verveine à demi épuisée, des giroflées teintées de vin et de soleil, des aloès entre les pierres. Le bassin sec est couleur de soif, les chemins couleur d’absence.

Heures de printemps (1939) — Quatre heures