J’aime l’eau d’une passion désordonnée : la mer, bien
que trop grande, trop remuante, impossible à posséder, les
rivières si jolies mais qui passent, qui fuient, qui s’en
vont, et les marais surtout où palpite toute l’existence
inconnue des bêtes aquatiques. Le marais, c’est un monde
entier sur la terre, monde différent, qui a sa vie propre,
ses habitants sédentaires, et ses voyageurs de passage,
ses voix, ses bruits et son mystère surtout. Rien n’est
plus troublant, plus inquiétant, plus effrayant, parfois
qu’un marécage. Pourquoi cette peur qui plane sur ces
plaines basse couvertes d’eau ? Sont-ce les vagues rumeurs
des roseaux, les étranges feux follets, le silence profond
qui les enveloppe dans les nuits calmes ou bien les brumes
bizarres, qui traînent sur les joncs comme des robes de
mortes, ou bien encore l’imperceptible clapotement, si
léger, si doux, et plus terrifiant parfois que le canon
des hommes ou que le tonnerre du ciel, qui fait ressembler
les marais à des pays de rêve, à des pays redoutables
cachant un secret inconnaissable et dangereux.